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Deux arts en miroir

29 Août

 Moulin cinéma

Dans un bel album aussi raffiné qu’instructif, Joëlle Moulin, docteur en histoire de l’art, revisite les cinéastes par l’influence des peintres sur leurs œuvres.

Parmi les thèmes qui argumentent un sujet riche et foisonnant, elle aborde le genre du biopic de peintres, via les différentes visions de Van Gogh chez Pialat, Minnelli et Kurosawa avant de s’arrêter sur Edward Hopper, chantre d’une Amérique moderne et désenchantée ayant inspiré Alfred Hitchock ou Woody Allen. Elle insiste également sur le style pictural indissociable de certaines œuvres : l’impressionnisme chez Jean Renoir, l’estampe japonaise chez Kurosawa et Ozu ou – plus surprenant – révèle les traces de l’expressionnisme allemand chez certains réalisateurs hollywoodiens à l’instar de Victor Fleming. Elle commente par ailleurs les élans et transpositions picturales dont témoignent les films des cinéastes-peintres Takeshi Kitano et David Lynch.

Ce matériel très fourni est prétexte à l’exposition d’images en miroir – splendide iconographie ! – et à une analyse tout à fait pertinente, originale et iconoclaste. Parmi ces étonnants rapprochements visuels, un saisissant parallèle entre Janet Leigh hurlant sous la douche dans Psychose et le très fameux tableau d’Edvard Munch, Le Cri.

« Cinéma et peinture », Joëlle Moulin (Citadelles et Mazenod)

Fantastique cinéma! les nouveaux visages de la réalisation de l’étrange et du paranormal

3 Mar

Depuis que le cinéma existe, sans doute n’a t-il jamais cessé d’intriguer, par le réalisme troublant du miroir difforme qu’il nous offre sur le monde. En tirant sa puissance de communication de l’image animée, on sait quels usages purent être faits de la fiction cinématographique pour présenter un modèle idéal ou cauchemardesque de notre société (on peut citer pour exemple la cinéaste allemande Leni Riefensthal (nouvelle fenêtre) qui navigua du ministère la propagande du Troisième Reich à l’usine à rêves hollywoodienne, en passant par le paysage cinématographique documentaire français de l’après-guerre.) Forte de son pouvoir hypnotique sur le nerf optique, l’expérience cinématographique semble ainsi promettre une réalité totale en faisant converger les regards vers un unique grand-écran : une fenêtre vers un Nouveau monde cessant d’exister lorsque les lumières de la salle se rallument.

Mêlant ainsi le sentiment d’inquiétante familiarité suscité par la photographie avec l’imaginaire de l’intrigue étoffé au fil de la succession des images, il paraît presque naturel que le cinéma ait toujours joué de ses charmes, afin de heurter le spectateur dans sa zone de confort, en n’ayant de cesse d’entrelacer réalité et fiction dans un travail d’illusionniste, évoluant au rythme des améliorations techniques. Ainsi, un genre de film semble prédisposé à distordre la réalité depuis la naissance des effets spéciaux, un genre, tout droit issu de la littérature : le fantastique!

Et pourtant… peu de genres ne sont moins anciens ni plus actuels…

Du 25 au 29 janvier 2023, s’est tenue à Gérardmer, sous la présidence de Michel Hazanavicius la 30ème édition du Festival du film Fantastique. Après avoir révélé au grand public des films désormais cultes comme le Halloween (1978) de John Carpenter ou le Terminator (1984) de James Cameron ; les 9 longs métrages en lices pour le Grand Prix ont peu ou prou pour point commun d’être réalisés par des cinéastes à leurs coups d’essais dans le genre fantastique. L’occasion est alors rêvée de (re)découvrir les auteurs de cette programmation aux intrigues marquées les enjeux de nos sociétés contemporaines!

Memory of Water de Saara Saarela

Dans un monde futuriste où l’eau se fait rare, Noria est devenue la Maîtresse du thé de son village, suivant à la lettre les traditions héritées de son défunt père. Elle détient également un secret bien gardé depuis des générations. La jeune femme doit faire appel à sa force tranquille pour la guider à travers une dangereuse odyssée pour la survie de son peuple.

Née en 1971 à Helsinki en Finlande, Saara Saarela (nouvelle fenêtre) étudie l’histoire du cinéma à l’université Paris 8 et obtient une maîtrise en réalisation de l’école de cinéma d’Helsinki. Elle réalise depuis des courts métrages, des séries télévisées et des films, comme le long métrage Twisted Roots (2009) et le téléfilm policier La Vénitienne (2010) pour Arte. Elle développe actuellement un thriller psychologique en co-production avec la France et enseigne la réalisation cinématographique à l’université finlandaise Aalto. Memory of Water est son quatrième long métrage.

Zeria d’Harry Cleven

Gaspard est le dernier homme sur Terre. Zeria, son petit-fils, est le premier être humain né sur Mars. Gaspard lui raconte sa vie, ses peurs, ses amours… dans l’espoir que Zeria vienne le voir avant de mourir. Zeria serait le premier être humain à revenir sur Terre sans l’avoir jamais connue…

Harry Cleven (nouvelle fenêtre), comédien formé au Conservatoire royal de Liège en Belgique, se produit dans de nombreuses pièces telles que « Phèdre » ou « En attendant Godot ». Il tourne parallèlement pour la télévision et le cinéma sous la direction de réalisateurs de renom comme Alain Corneau, Andrzej Zulawski ou Jean-Luc Godard. En 1991, il passe derrière la caméra en réalisant son premier long métrage, AbracadabraTrouble, son troisième film en tant que réalisateur, remporte le Grand Prix du Festival de Gérardmer 2005. Avec Zeria, il signe son premier film d’animation, pour lequel il crée et sculpte toutes les marionnettes et une partie des maquettes.

Watcher de Chloe Okuno (Prix du 30ème festival de Gérardmer)

Julia et son mari d’origine roumaine quittent les États-Unis pour emménager à Bucarest, où ce dernier a trouvé un nouvel emploi. Ayant tiré récemment un trait sur sa carrière de comédienne, Julia se retrouve souvent seule dans son grand appartement et essaye de s’occuper comme elle peut. Une nuit, en scrutant par la fenêtre l’immeuble d’en face, elle aperçoit une silhouette qui semble la regarder en retour…

Chloe Okuno (1987-)(nouvelle fenêtre) est née en Californie, elle étudie à Berkeley, puis obtient un master en réalisation de l’American Film Institute, où elle remporte le Franklin J. Schaffner Fellow Award et réalise le court métrage horrifique Slut. Elle écrit récemment le remake du film Audrey Rose de Robert Wise pour Orion Pictures, ainsi qu’un segment de l’anthologie d’horreur V/H/S/94, qu’elle réalise également. Watcher est son premier long métrage.

The Nocebo effect de Lorcan Finnegan

Une créatrice de mode est soudain frappée par une mystérieuse maladie qui déconcerte ses médecins et contrarie son mari. Mais l’arrivée d’une nurse philippine, adepte de la médecine locale traditionnelle, révèle la terrifiante origine du mal qui la frappe.

Loran Finnegan (nouvelle fenêtre) né en 1979 à Dublin, en Irlande, étudie le graphisme avant de rejoindre la société Zeppotron en tant que designer, puis monteur et réalisateur. En 2004, il crée sa propre société de production, Lovely Productions, au sein de laquelle il écrit et réalise de nombreux films publicitaires, clips musicaux et courts métrages dont Foxes, lauréat de nombreux prix en 2011. Son premier long métrage, Without Name, un conte de fées psychédélique, est présenté au Festival de Toronto 2016. Vivarium, son deuxième, est présenté en compétition au Festival de Gérardmer 2020.

Piaffe d’Ann Oren (Prix du Jury)

Eva, une jeune femme introvertie qui travaille comme bruiteuse, rencontre des difficultés pour créer les sons d’un film publicitaire mettant en vedette un cheval. Alors qu’une queue de cheval commence à pousser sur son corps, elle développe une relation de soumission avec un botaniste.

Ann Oren (1979-) (nouvelle fenêtre), née à Tel-Aviv, elle étudie le cinéma et les beaux-arts à l’École d’arts visuels de New York. Ses travaux sont exposés dans de nombreuses institutions, dont le musée de Tel-Aviv, l’Anthology Film Archives de New York et le Centre d’art contemporain KINDL à Berlin. En 2015, elle commence à s’intéresser au cinéma et passe à la réalisation en signant plusieurs courts métrages, dont The World Is Mine (2017) et Passage (2020) qui reçoit le Grand Prix du jury du Festival de Slamdance. Piaffe est son premier long métrage.

Blood de Brad Anderson

Après un divorce compliqué, Jesse emménage avec sa fille et son jeune fils Owen dans une vieille ferme. Peu de temps après, Owen est mordu violemment par un chien. À l’hôpital, il se réveille avec une étrange soif de sang. Sa mère fera tout pour lui en procurer et le maintenir en vie.

Brad Anderson (1964-) (nouvelle fenêtre), né à Madison dans le Connecticut, il fait des études supérieures à Bowdoin College, où il obtient un diplôme d’anthropologie et de russe, avant d’étudier le cinéma à la London Film School. Il commence sa carrière en signant notamment deux comédies romantiques : Et plus si affinités (1998) et Happy Accidents (2000). Après les films fantastiques cultes Session 9 (2001) et The Machinist (2004), dans lequel il dirige Christian Bale, il réalise d’autres films de genre, comme Transsiberian (2008), The Call (2013) ou Opération Beyrouth (2018).

La Tour de Guillaume Nicloux

Au cœur d’une cité, les habitants d’une tour se réveillent un matin et découvrent que leur immeuble est enveloppé d’un brouillard opaque, obstruant portes et fenêtres – une étrange matière noire qui dévore tout ce qui tente de la traverser. Pris au piège, les résidents tentent de s’organiser, mais pour assurer leur survie, ils succombent peu à peu à leurs instincts les plus primitifs, jusqu’à sombrer dans l’horreur…

Auteur et réalisateur inclassable, Guillaume Nicloux (nouvelle fenêtre) signe de nombreux films, du cinéma expérimental au triptyque noir, de la comédie décalée au film politique, du drame au faux-documentaire. En 2015, Valley of Love inaugure un cycle de l’intime, où quête existentielle et passion amoureuse sont les enjeux principaux de ses films. En 2018, il écrit et réalise sa première série, Il était une seconde fois, pour Arte/Netflix.

La Pietà d’Eduardo Casanova (Grand Prix, Prix du Public, Prix du jury jeunes de la Région Grand Est)

Lili et son fils Mateo ont une relation fusionnelle qui les rend dépendants l’un de l’autre. Ils se complaisent dans une réalité suffocante jusqu’au jour où l’un d’entre eux est atteint d’une maladie grave. La simple idée d’être séparés les conduit à développer une version d’eux-mêmes la plus sombre et toxique qui soit.

Né en 1991 à Madrid, Eduardo Casanova (1991-) (nouvelle fenêtre) débute une carrière d’acteur à l’âge de douze ans et réalise son premier court métrage, Anxiety, à dix-sept ans. Tout en continuant à jouer, il signe d’autres courts métrages et travaille également sur des films publicitaires. Son premier long métrage, Skins, est présenté au Festival de Berlin en 2016. Le film remporte de nombreux prix dans les festivals, ainsi que trois nominations aux Goyas, l’équivalent des César espagnols. La pietà est son deuxième film.

La Montagne de Thomas Salvador (Prix du jury, Prix de la Critique):

Pierre, ingénieur parisien, se rend dans les Alpes pour son travail. Irrésistiblement attiré par les montagnes, il s’installe un bivouac en altitude et décide de ne plus redescendre. Là-haut, il fait la rencontre de Léa et découvre de mystérieuses lueurs.

À la fois cinéaste, scénariste, et acteur dans ses propres films, Thomas Salvador (1973-) (nouvelle fenêtre) réalise six courts métrages, primés dans de nombreux festivals, parmi lesquels Petits pas (Quinzaine des Réalisateurs) et De sortie (Prix Jean Vigo 2006). Son premier long métrage, Vincent n’a pas d’écailles, sort en salles en 2015. Il intervient régulièrement comme pédagogue dans des écoles de cinéma (La Fémis, La Cinéfabrique de Lyon ou L’Ecal de Lausanne). En 2017, il est membre du jury courts métrages du 24è Festival de Gérardmer. La Montagne, dans lequel il tient le rôle principal, est son second long métrage en tant que réalisateur.

Pour aller plus loin:

Disponible à La Médiathèque de Levallois (nouvelle fenêtre)!

Berlin, Paris. Symphonies urbaines

18 Nov

Pour sa deuxième participation au Mois du film documentaire, Cin’Eiffel et la Médiathèque de Levallois vous proposent une semaine de films documentaires autour des thèmes de la ville et de la modernité. Parmi les 7 films à l’affiche de notre programmation (du 25 au 29 novembre 2013), 2 retiendront plus particulièrement ici notre attention :

  • Berlin, symphonie d’une grande ville de Walter Ruttmann (scénario Carl Mayer, Photos Karl Freund, montage Dziga Vertov), 1927
  • Etudes sur Paris d’André Sauvage, 1928

Dans les années 20, les milieux artistiques s’interrogent sur les possibilités et les limites du cinéma naissant : l’image animée va-t-elle favoriser de nouvelles recherches esthétiques ? Le cinéma est-il un art ? …

La naissance du cinéma coïncide avec l’avènement de la ville moderne : tramways, automobile, gares, électricité sont autant de révolutions dont les réalisateurs vont immédiatement s’emparer pour tenter toutes sortes d’expériences visuelles et sonores sur la lumière, le mouvement et le rythme.

La ville invente le cinéma documentaire et le cinéma construit une autre ville. Filmer devient un véritable laboratoire des milieux avant-gardistes ; ce mouvement gagne assez largement les grandes villes occidentales : Dziga vertov, Boris Kaufman, René Clair, Eugene Deslaw, Joris Ivens, Henri Storck, Jean Vigo, Paul Strand, John Grierson multiplient les recherches formelles à Paris, New York, Berlin, Ostende ou Odessa.

Les deux premiers films présentés pendant « Le mois du film documentaire » Berlin, symphonie d’une grande ville de Walter Ruttman réalisé en 1927 et Etudes sur Paris d’André Sauvage en 1928 appartiennent à cette mouvance. Chacun à leur manière, les deux réalisateurs définissent les constantes du cinéma documentaire c’est-à-dire la dramatisation de la vie quotidienne des gens ordinaires.

En véritables explorateurs, ils cherchent à filmer le réel de manière inattendue, ils alternent lieux de patrimoine et espaces de travail : banlieues, tours, cheminées d’usines, grues, quais, canaux sont autant de lignes de force qui permettent de jouer avec la verticalité des villes, et d’exploiter toutes les possibilités de l’ombre et de la lumière (surimpressions, trucages optiques).

Ils ont une vision très novatrice du personnage, non pas mis en scène mais pris sur le vif : les baigneurs à la piscine, les marchandes des 4 saisons, les enfants qui rentrent de l’école, les promeneurs, les mariniers et les ouvriers au travail sont filmés dans leurs actions, gestes quotidiens, la plupart du temps, probablement, à leur insu. Sans cesse à l’affût, ils s’ingénient à un travail de cadrage et de prise de vue jamais exploré, audacieux, parfois surprenant (plongées, sujets filmés de dos) pour aller au plus juste, au plus vrai des personnages, de l’époque ou restituer la réalité sociale.

Enfin conscients des possibilités sans limite du mouvement et de l’énergie cinétique, ils créent, travaillent sur le rythme : tout est utilisé en une syntaxe virtuose qui devient le miroir de la modernité : l’agitation des citadins, les cadences des machines, l’écoulement du fleuve, le déplacement des trams…

On peut souligner que dans le film de Ruttmann, la musique d’Edmund Meisel (considéré comme le premier véritable compositeur de musique de films de l’histoire du cinéma) faisait partie intégrante du projet de « symphonie urbaine » : chaque son, chaque motif musical renforce encore l’impression de bouillonnement, d’effervescence, d’énergie des images.

Rendez-vous avec deux pionniers et deux œuvres emblématiques, avec  des lieux et une époque irrémédiablement disparus le mardi 26 novembre à 15H,  dans l’auditorium de la médiathèque Gustave-Eiffel.

Faites votre cinéma à la Médiathèque !